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Marc Ducret - Tower, vol.1

Franck Bergerot, Jazz Magazine

*CHOC*
Faut-il parler de l'intention, une transposition de l'écriture de Vladimir Nabokov dans son roman Ada ou l'ardeur ? Trois orchestres devraient décliner cette transposition sur un triptyque dont ce "Tower, vol.1" est le premier volet. Rien ne l'indique sur la pochette du disque où, parmi les mentions habituelles, figure ce track listing : "1. Real Thing #1 (21'49), 2. Real Thing#2 (11'37), 3. Interlude: L'Ombra di Verdi (11'26). All music by Marc Ducret." Faute d'avoir lu Nabokov, prêtons l'oreille.
On reconnaît bien ici le guitariste préféré de Tim Berne : formes longues à tiroirs eux-mêmes constitués d'éléments thématiques longs et composites ; brouillage des fonctions orchestrales ; technicité de l'écriture, des règles de jeu et de l'instrument, avec une priorité à la qualité de l'engagement sur la propreté du rendu ; énergie souvent très rock mais aussi quelque chose qui émane des fanfares. Nous sommes entraînés malgré nous dans un turbulent labyrinthe où il est devenu difficile de dégager un véritable soliste, tout comme de décomposer les polyphonies tant les timbres et les contrepoints sont habilement amalgamés. La guitare y concourt par l'ambitus et l'indépendance des parties qu'elle se donne à jouer comme l'illustrent, dans le final de Real Thing #1, les arpèges prêtant main forte au saxophone basse tout en ornemantant à l'aigu le contrepoint des cuivres. La relation au cycle est toujours plus perverse, soit dans des formes en progression continue excluant la reprise, soit dans des sous-ensembles dont les combinatoires thématiques jouent l'illusion tantôt de l'inouï à l'intérieur de véritables boucles tantôt du "déjà vu" dans des boucles qui n'en sont pas. A quoi s'ajoute la dimension spectrale de jeux sur les timbres et la micro-tonalité dans certains passages rubato comme le début de l'interlude. La puissance de ce "Tower, vol.1" et l'idée qu'il puisse y avoir là quelque correspondance avec l'écriture de Nabokov m'incite à me rendre de ce pas chez mon libraire.