Grimal & di Domenico - Chergui

Philippe Carles, Jazz Magazine * * * *

« Vent d’est » ou/et « Improvisations et méditations » s’imposeraient en guide de titre ou sous-titre s’ils n’avaient déjà été utilisés dans le champ du jazz enregistré. De fait, qu’il s’agisse de l’intitulé de l’album, « Chergui » (manière de sirocco marocain soufflant d’orient), ou du conclusif et entêtant duo Harmattan (autre vent saharien, fort et sec), du solo d’ouverture Prana (souffle vital en sanskrit), où le saxophone, par sa suavité flûtée et ses circonvolutions quasi pastorales, évoque la ductilité de l’ancestral bansuri d’Inde du nord, ou des six brefs Koan (énigmes-dialogues du bouddhisme zen), les mots, les sons, les rythmes et climats de ces deux disques constituent une parfaite bande-son pour le doux désert photographié par Frédéric Netter qui enveloppe l’album. Un désert dont les dunes seraient nuancées-irriguées par les phases liquidiennes et denses du piano tandis que le souffle du sax semble souligner l’attente interrogative de ce littéral no man’s land.

Quand on se souvient que la précédente rencontre discographique d’Alexandra Grimal et du romain Giovanni di Domenico était intitulée « Ghibli » (autre nom arabe pour désigner le sirocco), on constate ici que ces amoureux d’Eole jouent décidément dans le vent au meilleur sens du terme avec pour devise, signée par le pianiste, Let Sounds Be Themselves, tout simplement.