Grimal & di Domenico - Chergui

Luc Bouquet, ImproJazz

La dernière fois qu’un duo piano-soprano m’avait bouleversé c’était en 1999 à l’occasion de la sortie du Soul & Masters de David Liebman & Michael Gerber (Cactus 9901). Depuis pas mal de bonnes choses ont nourri mes oreilles mais rien qui ne détrône le CD ci-dessus nommé. Et voici qu’avec Chergui, la magie resurgit. Et pour ne rien gâcher à l’histoire c’est un double CD. Le bonheur se porte double avec Giovanni Di Domenico & Alexandra Grimal.

La sopraniste possède une sensibilité envoûtante. Son phrasé est courbe, parfois impressionniste. On y trouve douceur et éclat. Ce n’est pas un cri, ce n’est pas un murmure mais une implication de chaque instant. C’est la justesse du dire. C’est la grâce qui se dévoile à nos oreilles. Ce sont les sonates que Debussy avait oublié de composer. C’est parfois un court détour par la marge. Et parfois aussi, de toutes petites choses, presque lacyennes. C’est un monde de résonnance et de délectation.

ll y a chez Giovanni Di Domenico quelque chose du grand Charles-Valentin Alkan. Il y a ce savant secret des songes exposés. Il y a ces accroches-notes, ces accroche-cœurs. Voici le silence. Puis voici la note qui le dévoile et l’enveloppe. Ici, il y a réellement la présence du silence. Di Domenico se déleste, ne veille qu’à l’essentiel. Que dire de plus ?

Le premier CD est plutôt centré sur la saxophoniste, le second sur le pianiste et dans les deux cas, mon stylo oublia de prendre note. Il y a des musiques qui combattent les mots, qui les rendent superflus. Qu’ils continuent ainsi : notre âme n’en sera que plus peuplée.