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Sleeping in Vilna - Why Waste Time

Olivier Acosta, Mozaïc Jazz

Pourquoi perdre du temps quand on peut aller à l’essentiel ?
Le titre de l’album est probablement la seule question que se sont posé les quatre musiciens inclassables de Sleeping In Vilna.
Enregistrés en partie en studio mais aussi sur la scène des Instants Chavirés, les treize petits formats du disque se dégustent à l’aveugle, comme ça, pour le plaisir de sauter de belle surprise en belle surprise. Dès le début du disque, la voix ensorcelante de Mike Ladd nous prend par la main et nous entraîne dans ces chansons qui puisent leurs richesses dans des influences variées, du Rock au Hip-Hop en passant par la musique contemporaine, la Pop, l’Electro (ce grand fourre-tout) et bien-sûr le Jazz (ce super grand fourre-tout). Pour tout dire, l’énumération de ces styles semble paradoxalement réductrice, puisque c’est justement une musique non-étiquetable qui nous est proposée, et elle ne fait que puiser dans ce grand réservoir d’esthétiques les essences nécessaires à l’élaboration du cocktail aux saveurs acidulées qui nous est servi sur un plateau par le label Ayler Records.

Pas de frontières, pas de limites, pas de contraintes si ce n’est celle de s’inventer un monde et de le partager… La démarche est belle et le résultat surprend, déstabilise, puis, rapidement, séduit. Jusqu’à devenir un album vers lequel on se dirige quand l’envie nous prend de nous rafraîchir les oreilles avec de l’inhabituel, et force est de constater que l’on ressent un confort certain en chaussant ces bottes des sept lieues musicales. Tout d’abord parce que le discours ne se dilue pas dans d’inutiles effets de styles visant l’inouï, mais aussi en raison des qualités intrinsèques de ces courtes pièces qui ont des allures de manifestes esthétiques, comme si chaque titre représentait une bonne occasion de redistribuer les cartes. L’originalité tiens de la complémentarité des musiciens et de leur ouverture d’esprit, mais aussi de la diversité des rôles que chacun s’attribue dans le flux des improvisations qui servirent de matière première à la formalisation de cette suite hétéroclite de courtes rêveries majoritairement calmes et apaisantes au sein desquelles le phrasé aérien et minimaliste de Carol Robinson et les guitares flottantes de Dave Randall tournoient et créent d’inattendus climats éthérés. Ils inspirent à Dirk Rothbrust des chants de percussions aussi discrets qu’essentiels, scintillements qui laissent place à des rythmiques plus soutenues sur les titres enlevés mais aussi sur « Drenched In Us », dont la délicatesse n’est pas altérée par la batterie mise en avant. Le titre accidenté « Past Chaser » se termine par un étonnant solo de batterie plongé au cœur d’une jungle de sons urbains. Mike Ladd, rockeur-récitant, rappeur-poète ou slameur-improvisateur, investit chaque morceau et y appose sa signature vocale, qui mêle douceur et rugosité à la manière de l’écorce.

Le marcheur aimant à se perdre trouvera en cette belle petite maison de bois un refuge accueillant. Elle constituera, c’est selon, une étape dépaysante ou une adresse à retenir. Ma promenade m’a conduit jusqu’à elle. J’y reviendrai pour m’abriter des vents violents.