All Too Human - Vernacular Avant-garde

Xavier Prévost, Les Dernières Nouvelles du Jazz

Un disque qui scelle une ancienne connivence entre les membres du quartette : le batteur et le trompettiste ont joué dans deux groupes du guitariste, et le clavier a participé à plusieurs projets du batteur. On peut s'interroger sur la référence nietzschéenne que révèlerait le nom du groupe, mais l'essentiel est probablement ailleurs : le titre de l'album, et son caractère oxymoronique, semblent exalter une conception de l'avant-garde qui s'exprimerait dans un langage supposé être l'ordinaire d'un groupe, d'une région, d'un pays, bref s'adressant au plus grand nombre des individus d'un espace déterminé. Beau projet esthétique autant que politique, et qui se révèle pertinent, voire réalisé dès les premières notes. Les rythmes et les sons parlent une langue commune à bien des auditeurs de ce temps, mais leurs combinaisons révèlent très rapidement l'ambition divergente, le désir de s'éloigner des codes ambiants pour élaborer une poétique, exprimer une singularité qui impose son évidence au fil des plages. Des sons de claviers, de batterie, de trompette et de guitare qui sembleront familiers au plus grand nombre, mais une combinatoire harmonique et rythmique, et un choix d'intervalles dans les lignes mélodiques, qui tirent souvent vers l'ailleurs : là s'exprime pleinement la nature délibérément paradoxale du projet. Les uns et les autres, dans le groupe, sont familiers de ce grand écart rhétorique et esthétique qui fonde bien des aventures artistiques depuis des lustres. Le plus important est que cette combinatoire soit féconde, et elle l'est, au delà de toute espérance : un geste accompli, une cohérence, une singularité, bref une œuvre d'art...