Abdelhaï Bennani Trio - There Starts the Future

Fabrice Fuentes, Pinkushion

Enregistrées aux Instants Chavirés en juin 2007, les deux plages de There Starts The Future laissent entendre un saxophoniste ténor marocain trop peu exposé, Abdelhaï Bennani, qui a joué notamment avec Henry Grimes, Sunny Murray, Bobby Few, William Parker, ou encore Alan Silva (à écouter le superbe Enfance, 1998). Ce set free, cheminant pendant un peu plus d’une heure là où rares sont ceux qui s’aventurent, tire son intensité d’un pouvoir de dispersion fascinant. À l’instar de la lumière se diffractant via l’intermédiaire d’un prisme, la musique jouée par Bennani, on ne peut mieux accompagné ici de Benjamin Duboc (contrebasse) et Edward Perraud (batterie), multiplie les possibles comme autant de pistes laissées un temps en jachère, mais nullement vouées à le rester. “I Had a Dream” en rappelle un autre. Celui d’une musique plurielle et transcendante à laquelle l’instant donnerait naissance, pour, celui d’après, tout lui reprendre. Une musique autre dont la grandeur résiderait dans la mise en perspective qu’en tout acte demeure, à chaque moment, le risque de tout perdre. De la joie extatique, mais aussi de la peur d’affronter le futur pour sortir de la nuit : “In The Beginning Was The Night”. Entrer sur scène comme dans une arène pour y jouer sa vie, et déjà sa mort. De la plainte à l’emportement, avec une précision dans le geste qui ne semble jamais antinomique de la liberté d’exécution, le trio d’Abdelhaï Bennani échafaude des architectures sonores qui montent en puissance à mesure que le temps passe et le langage commun se ramasse, dévie, s’enflamme, se décline et, pour tout dire, se poétise. Pour atteindre lors des vingt dernières minutes une intensité saisissante. Souffles, cadences, rythmes, cris, frôlements, grincements. Danse et chute. Trois corps s’exposent au bord d’un nouveau monde. Et c’est magnifique.