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Szilárd Mezei Wind Quartet - Innen

Noël tachet, ImproJazz

Le disque est construit en deux parties symétriques autour du quatrième thème. Le premier, guerrier, rappelle ceux « en marche d’escalier » d’Anthony Braxton. Un second, lent, introduit par un solo lyrique de l’alto du leader sur un à-plat harmonique, le trombone en contrechant, la marque de l’Europe de l’est, mais avec des growl qui évoquent Armstrong, la clarinette basse reprend le flambeau d’un déroulement mélodique continu que chacun colore à sa guise, ad lib… beaucoup de grâce et un drame sans insistance excessive. Le troisième fait planer une menace avant qu’un second thème braxtonien s’ouvre sur des dissonances aérées. Le groupe travaille sur les couleurs de l’orchestration avec une efficacité remarquable pour un quatuor. Partant d’une sonorité classique, les musiciens tordent délicatement leur son au fil du jeu, avec beaucoup de logique, créant un fil émotionnel complexe, très sensible dans une écoute chambriste. Qu’on ne cherche pas là d’éclats de voix ou de proclamations, pas non plus de manifeste, c’est une musique modeste qu’on aimerait écouter longuement en public, dans une petite salle légèrement réverbérante, pour sentir encore mieux et autrement la fugue subtile des sons et des émotions suggérées.

Mezel a placé au mi-temps du disque une improvisation de groupe où les voix s’entremêlent dans une harmonie plus contemporaine, sans l’écriture de Mezel c’est plutôt un plaidoyer pour l’écriture, le sentiment d’une défaisance. Le cinquième évoque la musique française (Messiaen, le groupe des six), flirte à nouveau avec Braxton, joue avec ces éléments, s’autorise un vocabulaire plus contemporain, comme sur la lancée de l’impro. Quand la dimension mélodique s’estompe ça tourne parfois autour du pot, comme si les musiciens expérimentaient des formes dans lesquelles ils ont du mal à trouver un fil conducteur qui les mette en mouvement. On peut être sensible à cet émiettement, aux voix qui émergent dans leurs différentes manières. Quel qu’ait été le mode de conception et de d’enregistrement de ce disque on a l’impression d’assister au travail d’un groupe qui mobilise peu à peu de nouvelles ressources pour se jeter à l’eau. On parvient ainsi au septième et dernier morceau, sorte de danse stylisée où se succèdent, sur un ostinato du tuba, le violon alto, le trombone, la clarinette, puis les trois en impro avant de reprendre ensemble le thème. Le fin mot de l’histoire est certainement donné par le titre du premier thème The impossible variations of solutions. C’est dans l’abandon de l’idée de solution, dans la variation continue et l’acceptation des chocs, des impasses, que ce disque trouve toute sa valeur.