Sylvaine Hélary - Spring Roll / Printemps

Stéphane Ollivier, Jazz Magazine  *CHOC*

La flûtiste Sylvaine Hélary a fait son domaine de ces territoires frontaliers où improvisation, musique contemporaine, poésie sonore, théâtre musical, pop décalée et post-jazz ultra contemporain échangent leurs propriétés et brouillent leur identité.

Le “concert-installation” Printemps (qui fait l’objet d’un des deux disques de l’album), avec ses allures de cérémonie païenne post-moderne aux connotations politiques (le titre fait référence aux Printemps arabes autant qu’à la magie des recommencements), en offre un magnifique aperçu qui dans un fantasme d’art total parfaitement assumé “met en œuvre/scène” dans l’espace de compositions habilement spatialisées toute une gamme de voix issues de différentes sources et envoûte de sa féérie sonore. Cette expérience esthétique quasi-matricielle a donné naissance au quartette Spring Roll à qui le deuxième disque est consacré. Constitué du fidèle Antonin Rayon aux claviers et synthétiseurs, de Sylvain Lemêtre au vibraphone et aux percussions variées (dont diverses cloches mystérieuses d’une grande force poétique) et d’Hugues Mayot au saxophone ténor (très impressionnant tout du long, de contrôle et de concentration), ce nouveau groupe offre à la flûtiste le véhicule idéal à travers quoi expérimenter des types de compositions hybrides faisant notamment le lien entre l’univers répétitif et hypnotique de Morton Feldman et les formes évolutives et auto-génératives expérimentées par la jeune génération new-yorkaise (Ingrid Laubrock, Kris Davis). Cette musique extraordinairement sensorielle, multipliant les stratégies d’articulation entre composition et improvisation, passant de vastes espaces vides pulsés de grooves minimalistes à des séquences d’écritures très compactes, enchante par son intelligence, son raffinement, sa fraîcheur et sa grande maturité.