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Jimmy Lyons - The Box Set

Guillaume Belhomme, InfraTunes

Obnubilé par le jeu de Charlie Parker, le saxophoniste Jimmy Lyons excella sous licence hard bop avant d’être repéré, en 1960, par Cecil Taylor. Intégrant dans la minute l’Unit du pianiste, il servira plus que n’importe quel autre sideman cette formation à géométrie variable, profitant de quelques permissions pour mener en parallèle des projets plus personnels. C’est une sélection de ceux-là que The Box Set a choisi de présenter, le long de 5 CD regroupant des sessions enregistrées entre 1972 et 1985.

Septembre 1972, d’abord. Lyons mène son quartette dans le studio d’un autre saxophoniste, emblème de l’époque des Loft sessions new-yorkaises : Sam Rivers. Devant public, il engage son discours sur la voie d’un post bop altier, peu à peu conquis par les envolées iconoclastes du saxophone. Capables d’impulsions en lien direct avec celles appréciées de Monk (Round Midnight), Lyons s’autorise la dérive, et s’inscrit ailleurs dans une avant-garde proche de celle défendue par Coleman (Mr. 1-2-5 Street), ou dans une autre, plus personnelle – qui confronte un savoir-faire ancien et une déconstruction audacieuse (Ballad One).

Epris de dialogue, le saxophoniste tisse un lien privilégié avec le trompettiste Raphé Malik ; les deux hommes se partagent les solos avant de confectionner ensemble des imbrications délicates (Ballad One) ou un contrepoint furieux (Gossip). Echange impeccable, auquel Jimmy Lyons s’interdira le recours en juin 1975, au même endroit, lorsqu’il interprètera en trio trois de ses compositions personnelles.

Là, le saxophoniste se trouve seul auprès d’une section rythmique composée du bassiste Hayes Burnett (déjà là en 1972) et du batteur Henry Letcher. Assuré, son alto brave le schéma complexe de Family, embrasse les trente dernières années de l’histoire du jazz, évoquant ici l’agile phrasé de Parker, là, la mutinerie orchestrée d’Ayler. Sur ballast sombre, le saxophoniste développe son propos : faisant se succéder notes brèves et enchaînements déliés sur les pizzicatos affirmés de Burnett (Heritage I), ou préférant prendre la mesure d’une tension allant crescendo (Heritage II).

Attestant des dispositions de Lyons à endosser le rôle de leader, ces deux premières sessions révèlent l’identité saisissante du saxophoniste. Qu’il n’aura cessé de mettre en pratique, et selon d’autres façons encore.

Ce 9 avril 1981, par exemple. Où, en solo, il improvise et cite quelques standards en variant à chaque fois ses intentions (Clutter), réconcilie la chute des graves et les accents aigus de son alto (Never), ou défend des impulsions contre-nature avec un tact souverain (Repertoire Riffin’).

Lorsque le saxophoniste renoue, trois ans plus tard, avec une compagnie, c’est pour l’initier à un free exalté et à un jazz savant. Assurés de tenir en place par la précision du batteur Paul Murphy, Lyons et Karen Borca (au basson) installent alors un contrepoint syncopé (Shakin’Back) ou vacillant (Wee Sneezawee) avant de se permettre l’incartade de virulences éclatées (Theme).

Qui vireront, en 1985, à l’acharnement. Sur scène, les mêmes, et le contrebassiste William Parker. Free fortifié, plus que persistant, sur un autre Shakin’Back, un autre Wee Sneezawee ; déconstruction plus tempérée, sur After You Left, plus proche encore de l’inédit à découvrir ; ou construction libre et complexe, sur le rythme sophistiqué de Tortuga.

En guise de conclusion au quatrième disque, un journaliste interroge Jimmy Lyons sur la difficulté de défendre sa propre musique quand on est le sideman attitré d’un musicien tel que Taylor. La réponse, forcément difficile, laisse peu de chance au verbe. Qui préfère trouver ses arguments dans les enregistrements de The Box Set, recueil averti de concerts sans failles.